Compte Rendu d'hospitalisation de l'orgue des Minimes.
Ça y est ! On y est ! Le relevage de l'orgue commence aujourd'hui vendredi 29 novembre 2013 à 10 h. J'appréhende un peu. Que vont-ils me faire ? Eux, ce sont Jean Daldosso et son partenaire Georges, tous deux facteurs d'orgue passionnés et orfèvres dans l'art de redonner vie à des instruments en souffrance comme moi.
Ne vous y trompez pas ! Ce n'est pas sur la façade que la chirurgie va s'opérer. C'est dans mes entrailles ! Mais je leurs fais confiance. Ils savent ce qu'ils doivent faire.
Je sens leurs mains toucher où ça fait mal. Des fuites d'air, des jeux déficients, des trompettes qui sonnent comme des casseroles, un pédalier désaxé.
Me reste-t-il un espoir, un avenir ? Je crains le pire !
Ouf ! Mon diagnostic vital n'est pas engagé. Je respire !
Mais qu'est-ce qui se passe ? On m'ôte le soufflet, le seul moyen de donner de la voix à mes tuyaux ! Je manque d'air ! Je sais qu'ils ont prévu deux soufflets pour augmenter ma capacité à donner du son. Mais se retrouver totalement aphone même pour quelques jours, cela donne des sueurs froides !
A présent, je me sens revivre ! J'ai vingt ans de moins ! Les deux soufflets sont disposés sous mes pieds. J'ai l'impression d'avoir un poumon supplémentaire. J'ai envie de chanter !
Une autre épreuve m'attend. J'ai eu quelques jours pour m'y préparer. A présent, je dois faire face. Mes trompettes ont de gros soucis. Il faut les remplacer. Toutes !
On m'a promis un timbre chaud, une harmonie céleste. Sans elles, je me sens nu comme un ver. En attendant, je dois m'armer de patience.
Aujourd'hui, jour glacial et pluvieux. Les facteurs retirent tous les jeux du grand orgue sauf le cornet. Ils cherchent mes fuites d'air. Du côté du sommier, rien à signaler. Du côté des registres, tout baigne.
Une à une, les chapes (ces planches sur lesquels s’emboîtent les tuyaux) sont démontées. Je n'ai plus que la peau sur les os.
Aïe ! Mes postages (les tuyaux qui raccordent le sommier aux tuyaux) sont gravement endommagés ! Je me disais bien que depuis quelques temps, j'avais l'impression d'être « bouffé » de l'intérieur.
Ils ont trouvé de la poudre blanche ! Pourtant, je n'y touche pas ! C'est une décrépitude chimique, une espèce de complot entre l'humidité et le chauffage au gaz pour m'éliminer ! Mais moi, je n'y suis pour rien !
A présent, on vient de m'enlever les jeux du positif. Je me sens morcelé. J'ai la sensation désagréable d'être vidé de ma substance tout en contemplant des parties de mon squelette rangées par jeu.
Une épreuve en cache une autre et celle-là me donne la chair de poule ! Ça grince de tous les côtés ! Des bruits de scie, de mèche hurlante, de ciseau à bois me donnent la migraine. Vais-je résister à ce qui m'attend ?
Moment critique. Si le facteur commet une erreur, c'est l'irréparable qui me guette ! Les jeux de montre, de prestant et de trompettes sont coupés. Ils disent que c'est pour pouvoir choisir des sons différents pour la partie aiguë et la partie grave du clavier. Du sur mesure pour moi qui suis déjà un instrument atypique ! Quelle chance !
Enfin, voici pour vous faire une idée de la future disposition de mes jeux. Que les habitués n'en perdent pas leur latin. On a encore le réflexe des étiquettes pour vous mettre sur la bonne voix !
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Allez une pause ! Il faut bien que je récupère de mes émotions . Je vous tiens au courant pour la suite de mes opérations. En attendant, je cicatrise.
Histoire racontée par Catherine Caroff.